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Afrique: En Ethiopie et au Zimbabwe deux attentats menacent les processus de réforme



Afrique:  En Ethiopie et au Zimbabwe deux attentats menacent les processus de réforme

Deux explosions ont eu lieu quasiment au même moment samedi à Addis Abeba, en Ethiopie, et à Bulawayo, au Zimbabwe, visant le premier ministre éthiopien et le président zimbabwéen.

Deux explosions ont eu lieu quasiment au même moment samedi à Addis Abeba, en Ethiopie, et à Bulawayo, au Zimbabwe, visant le premier ministre éthiopien et le président zimbabwéen.


Il ne devrait y avoir aucun lien entre les deux explosions qui ont lieu, par simple coïncidence, mais pratiquement au même moment, à quatre mille kilomètres de distance, dans deux villes africaines. Et cependant, quelque chose, involontairement, lie les deux attentats qui ont eu lieu, samedi 23 juin, à Addis Abeba, en Ethiopie, et à Bulawayo, au Zimbabwe.

Dans le premier cas, une bombe ou une grenade, selon les déclarations de dirigeants, a explosé dans la foule qui s’était réunie à l’invitation du parti au pouvoir en soutien au nouveau premier ministre, Abiy Mohammed, lequel est en train, à marches forcées, de changer l’Ethiopie, notamment en faisant la paix avec l’Erythrée et en ouvrant des secteurs de l’économie contrôlés depuis des décennies par une fraction du parti au pouvoir, laquelle est précisément en voie de marginalisation par les efforts de ce nouveau responsable, arrivé à la tête de l’Ethiopie début avril.

La place centrale d’Addis Abeba où a eu lieu cet attentat, dont le bilan se montait samedi soir à un mort et environ 180 blessés - dont certains dans un état grave -, est un lieu à forte portée symbolique et où, en raison précisément de l’efficacité légendaire des services de sécurité éthiopien, aucun attentat de ce genre n’a jamais eu lieu, malgré de fréquents rassemblements populaires qui auraient pu constituer une cible de choix pour des mouvements djihadistes de la région, comme les chabab somaliens.

Pas de revendication

En l’absence, samedi soir, de revendication, il est possible de songer que la tension entre le premier ministre, incarnant les réformes en cours, et ceux qui s’y opposent, notamment au sein des services de renseignement qui exècrent Abyi Ahmed, ainsi que la vieille garde du TPLF (Front de libération du peuple du Tigray), une partie de la coalition au pouvoir habituée à se trouver en position hégémonique, mais désormais marginalisée par le premier ministre, pourraient faire figure de parrains potentiels de l’action violente.

Toutes nos sources régionales, ces derniers jours, insistaient sur les risques encourus par Abyi Ahmed et disaient à quel point il était vraisemblable qu’on attente à sa vie, purement et simplement. Cette supputation était alimentée par des déclarations vindicatives de responsables du milieu du renseignement. Ceci ne constitue certainement pas une preuve, mais il est important de noter que le contexte politique éthiopien était, tout récemment, particulièrement explosif.

M. Abiy a déclaré que l’attentat avait été organisé par des responsables cherchant à saper son programme de réformes. « Les gens qui ont fait ça appartiennent à des forces opposées à la paix. Vous devez arrêter de faire ça. Vous n’avez pas réussi dans le passé et vous ne réussirez pas dans le futur », a-t-il déclaré à la télévision, une fois mis en sécurité. Il a récemment accusé les services de sécurité de s’être livrés à des « actes de terrorisme » vis-à-vis des populations qui manifestaient, notamment dans la région Oromia, dont il est originaire. Son chef de cabinet Fitsum Arega a précisé que l’explosion avait été provoquée par une grenade et qu’elle était le fait de personnes « dont le cœur est rempli de haine ». Il n’a pas été question de groupes djihadistes à ce stade dans les accusations.

Réformes populaires

Si cela devait se confirmer, les ennemis du premier ministre, se trouvent donc au cœur de l’appareil d’état, dans le « deep state », et leur but serait, faute de pouvoir l’éliminer, de tenter de faire dérailler le processus de réformes en cours, dont la paix avec l’Erythrée, un dossier bloqué depuis vingt ans et qui pourrait connaître des avancées fulgurantes dans un avenir très proche. Or, ces réformes sont, pour l’heure, très populaires. Une foule importante s’était réunie sur Merskel square, et pas seulement parce que les autorités avaient intimé l’ordre de le faire.

Le nouveau dirigeant éthiopien appartient à l’ethnie Oromo, la plus importante numériquement du pays, jusqu’ici relativement marginalisée du point de vue politique, et dont les membres se trouvent habiter la région voisine de la capitale. La rue d’Addis Abeba soutient donc en bonne partie Abiy Ahmed. Le tuer, le blesser, ou signifier sa faiblesse relative en organisant un attentat au milieu d’une population de ses sympathisants, ressemble en effet à la signature d’une volonté de contre-réforme. Mais si cette piste s’avérait être la bonne, M. Abyi Ahmed serait contraint de prendre la question à bras-le-corps, et de faire plus que réformer. Il lui faudrait traiter le dossier épineux du contrôle des services de renseignement. Faire tomber des têtes, au risque de provoquer une tension interne plus importante encore. Procéder aussi, peut-être, à une forme d’épuration politique au sein du parti au pouvoir. Avec, à nouveau, des conséquences imprévisibles pour l’état des rapports de force.

Attaque à la grenade au Zimbabwe


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C’est peut-être à un risque similaire qu’est exposé le président zimbabwéen, Emmerson Mnangagwa, qui a échappé de peu à ce qui semble également au jet d’une grenade, laquelle a explosé sur une tribune du stade de Bulawayo, dans le sud-ouest du Zimbabwe, où il terminait un meeting. L’explosion, qui a fait quinze blessés, a eu lieu au moment où il quittait les lieux avec ses proches. Il s’en est fallu de peu que le président Mnangagwa ne soit touché. L’épouse du vice-président, Marry Chiwenga, en revanche, fait partie des blessés, et a été hospitalisée.

Le général Constantino Chiwenga était l’un des cerveaux du coup d’Etat qui avait poussé l’ex-président Robert Mugabe (93 ans) hors du pouvoir, en novembre. Depuis, le général a pris sa retraite afin de pouvoir occuper, en civil, des responsabilités politiques de premier rang. Il est souvent considéré comme le représentant des intérêts de l’armée au sein du nouveau pouvoir zimbabwéen, et un possible successeur pour M. Mnangagwa. Ce dernier, quoique issu du centre du pouvoir de la Zanu-PF, le parti de M. Mugabe, est parvenu à incarner un renouveau du pays qui pourrait se mettre à donner des résultats tangibles après les élections générales, dont le premier volet aura lieu le 30 juillet. Mais la mise à l’écart de Robert Mugabe avait signifié la défaite de toute une aile de la Zanu-PF, et depuis plusieurs mois, une tension souterraine agite le pouvoir zimbabwéen. L’idée de faire dérailler, en tuant le chef de l’Etat, le processus en cours, pourrait être une façon se servir des intérêts particuliers frustrés par la réorganisation du pouvoir.

En Ethiopie comme au Zimbabwe, ce sont donc deux tentatives de réorienter des processus en cours, en mettant en jeu la stabilité du pays, preuve de la détermination des auteurs des deux attentats. Il appartiendra aux deux responsables visés par ces explosions de ne pas céder à la tentation de durcir leur pouvoir, ce qui représenterait, naturellement, un succès pour les terroristes.

 Par Jean-Philippe Rémy (Johannesburg, correspondant régional lemonde.fr ) 

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